Intervention de Jacques Mignard
au cours de la
cérémonie commémorative
du 21 septembre 2024
Plus de vingt ans après la
catastrophe de 2001 nous
voilà encore nombreux aujourd’hui pour nous rassembler, nous
retrouver et nous
souvenir sur le site de ce qui était notre usine.
Merci à tous ceux qui, amis, élus, ou anciens riverains, ont,
depuis quelques
années, choisi de nous rejoindre pour ce rassemblement annuel. Merci
aussi à tous
les anciens salariés qui n’ont jamais cessé de
manifester leur
solidarité.
Aujourd’hui encore, dans notre association, certains d’entre
nous et parfois avec
l’aide d’intervenants venus de l’extérieur,
travaillent toujours avec
obstination à rechercher les explications de la catastrophe dont nous
avons tous
été victimes il y a maintenant vingt-trois ans. Qu’ils
sachent que
l’association les aidera jusqu’au bout dans la recherche
d’une
vérité que nous ne désespérons pas un jour de
révéler
même si elle nous a été jusqu’ici soigneusement
cachée.
Toujours fidèles à ce nécessaire travail de
mémoire nous nous sommes
impliqués dans l’aménagement du site qui était
celui de l’usine
pour qu’il puisse garder l’empreinte d’une activité
industrielle qui aura
marqué l’histoire de la ville. Avec la compréhension et
parfois le soutien des
anciens et nouveaux propriétaires de ce lieu nous avons
été souvent entendus.
Qu’ils en soient remerciés. Ainsi pourra être
préservée aux yeux
de ceux qui sont appelés à nous succéder toute une page
de notre
histoire industrielle qu’il est souvent de bon ton aujourd’hui
de décrier.
J’inviterai enfin ceux qui les ont connus à avoir une
pensée pour tous ceux
qui n’ont pu aujourd’hui nous rejoindre.
L’éloignement, la maladie ou
pire encore, expliquent leur absence. Ils sont toujours des
nôtres.
Avant d’observer une minute de silence j’invite maintenant ceux
qui le souhaitent
à déposer leur gerbe au pied de la stèle des anciens
salariés.
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Histoire de l'usine dans
"Le chemin de mémoire"

AZF - LES ANCIENS SALARIES
EN QUÊTE DE VERITE
L’Association « Azf Mémoire et Solidarité »
regroupe
toujours, seize ans après sa création, plusieurs centaines de
salariés.
Créée quelques mois après l’explosion du 21 septembre
2001, alors que la
décision de fermeture de l’usine venait d’être prise,
elle avait pour
vocation de préserver les liens qui s’étaient noués
entre salariés
tout au long de leur activité professionnelle et renforcés par le
fort élan de
solidarité manifesté au lendemain de la catastrophe.
Dans ses statuts, la première mission de l’Association a
également
été clairement affichée. Il s’agissait de tout mettre
en œuvre pour
contribuer à établir la vérité concernant les
origines de la dramatique
explosion de 2001. Les salariés se sont attachés à
étudier toutes
les hypothèses sérieuses proposées, tant publiques que
privées, en
commençant par l’hypothèse judiciaire. Ils se sont
imposé la plus grande
objectivité possible, en résistant aux pressions de toutes sortes,
politique,
idéologique, judiciaire, médiatique qui sont venues polluer
l’enquête. Ils
ont eux-mêmes apporté leur contribution en lançant, au
début de
l’année 2004, un appel à témoignages qui est venu
enrichir le dossier.
Pendant plusieurs années ils ont ainsi rencontré des
témoins, consulté
de nombreux spécialistes, écouté tous ceux qui, toujours
d’une
façon désintéressée, s’étaient
fixé le même
objectif de vérité.
Alors que l’action en justice était lancée, pour avoir
accès au dossier
d’instruction et aux informations qu’il contenait,
l’Association a
décidé de se porter partie civile dés 2003. Cette
décision lui a permis
d’obtenir des informations qui lui seraient restées inaccessibles
et de prendre sa
place dans la démarche judiciaire qui était engagée.
C’est, animée
de cette seule préoccupation, citant des témoins, demandant des
compléments
d’information, que l’Association a participé aux trois
procès qui se sont
déroulés au cours des dix dernières années.
Aujourd’hui, alors qu’elle s’est pourvue en cassation à
l’encontre de
la décision prise par la Cour d’Appel de Paris à
l’issue d’un
troisième procès en 2017, l’Association tient à
rappeler un certain
nombre de points. Sa seule motivation a été et demeure la
recherche de la
vérité quelle qu’elle soit. Sa démarche a
été
d’étudier toutes les hypothèses plausibles, d’explorer
toutes les pistes.
Aujourd’hui, elle a des observations à faire sur la façon
dont
l’enquête a parfois été menée. Ainsi, on peut
imaginer que la
police toulousaine, malgré la bonne volonté de certains de ses
membres, ait
été fortement influencée par le pouvoir politique pour
lequel
l’hypothèse terroriste présentait de nombreux inconforts.
Cette dernière
a donc été rapidement mise de côté. Par ailleurs, on
peut avoir le
sentiment que les investigations ont été freinées sur
l’usine voisine de
la SNPE. Les experts judiciaires ont, en dépit des enregistrements et de
l’expertise du
BEA, également ignoré la présence des
aéronefs, probablement
militaires, de même que les phénomènes précurseurs en
occultant ou
même en détournant les nombreux témoignages validés.
L’instruction
a enfin repoussé, sans explication argumentée, de nombreuses
demandes de
compléments d’enquête justifiées. Elle a
été suivie en cela
par les tribunaux successifs.
Le Tribunal de Grande Instance de Toulouse a, faute de preuve, relaxé
logiquement les
prévenus, la Société Grande Paroisse et le directeur de
l’usine, sans
pour autant que l’enquête soit relancée... Sur le même
dossier, bien
qu’enrichi par des contre preuves établies par des parties civiles
et la
défense, les Cours d’Appel de Toulouse et Paris ont condamné
sans pour autant
établir de lien direct entre les infractions retenues et l’objet du
délit.
Ainsi, au fil des multiples événements judiciaires de ces 17
années,
l’exercice du droit a progressivement pris le pas sur la recherche de la
vérité
qui seule aurait permis d’établir ensuite un jugement solide et
irréfutable.
L’HYPOTHESE JUDICIAIRE
Dans les premiers jours suivant la catastrophe, le Procureur de la
République, dans les
médias, a évoqué une « origine de la catastrophe
à rechercher dans
le sous-sol, où pouvait se trouver un produit enterré depuis de
nombreuses
années, qui a évolué progressivement vers un état
explosif et
entraîné la détonation du dépôt en surface...
». Pourquoi
cette piste que l’on ne peut imaginer évoquée sans raison
a-t-elle
été aussi rapidement abandonnée ?
Tous les enquêteurs ont fort logiquement recherché tout
d’abord quel était
le contenu du dépôt 221, lieu de l’explosion, et les derniers
apports. Parmi eux,
le 21 septembre au matin, une benne contenant quelques centaines de kilogrammes
d’un produit
en provenance du dépôt des emballages vides. De quel produit
s’agissait-il ? Pour
les experts judiciaires, s’appuyant sur la présence dans ce
dépôt
d’un emballage vide relevé seulement une semaine après la
catastrophe et dont le
contenu initial a été parfaitement tracé, il pouvait
s’agir d’un
produit chloré (Dichloroisocyanurate de sodium, ou DCCNa) un produit
incompatible avec le
nitrate d’ammonium.
Cette hypothèse du DCCNa est devenue l’axe vertébral de
l’expertise
judiciaire qui a alors écarté systématiquement tous les
éléments
factuels du dossier qui ne s’accordaient pas avec elle.
Or, cette hypothèse n’a jamais été validée.
L’analyse des
multiples échantillons prélevés dans le bâtiment
d’où est
venue la dernière benne n’a révélé aucune
trace du produit mis en
cause. De même une tentative de reconstitution de l’opération
de transfert a
apporté la preuve qu’il était impossible de la
réaliser. Enfin, une
reconstitution de la dernière benne, selon le protocole défini par
les experts
judiciaires eux-mêmes, a démontré que le mélange des
deux produits,
réactif dès les premières heures, n’aurait jamais pu
passer
inaperçu aux opérateurs situés à proximité du
fait d’un
insupportable dégagement d’odeur chlorée ainsi que de
fumées
particulièrement visibles et abondantes.
Pourtant, passant outre ces constats pris en compte dans le dossier
d’instruction, les experts
judiciaires ont entrepris, à grands renforts d’essais, de montrer
que les deux produits
pouvaient réagir violemment dans des conditions
particulières, transformant
ainsi leur hypothèse en conclusion, ce qui n’aurait pas dû
échapper
aux différentes juridictions qui se sont succédé.
Un laboratoire du CNRS a pensé apporter sa pierre à
l’hypothèse
judiciaire en faisant une étude de la cinétique de la
réaction, étude
universitaire académique, digne d’intérêt au strict
plan scientifique,
mais n’apportant aucun élément à la
problématique du dossier,
à savoir la présence de DCCNa dans la dernière benne.
Cette piste, bien qu’ayant été retenue comme vraisemblable
par les
autorités judiciaires, peut donc être raisonnablement et
définitivement
écartée, un véritable spécialiste des ammonitrates
ayant même
déclaré que « la probabilité d’une telle
hypothèse
n’est pas minime, elle est nulle ! »
QUELQUES PISTES EVOQUEES ET IGNOREES
Le signal sismique enregistré le 21 septembre 2001 correspond à
une magnitude de 3,3 /
3,4 sur l’échelle de Richter. En mars 2002
l’Observatoire de
Midi-Pyrénées indiquait dans son rapport à
l’Académie des
Sciences, tout en émettant des réserves, que les meilleurs
résultats de
simulation, obtenus à partir du modèle sismique local,
correspondaient à une
profondeur du foyer sismique de 7 mètres pour une étude entre 0 et
10 m. Les essais de
reconstitution sismique réalisés en 2004 sur le site ont
fait apparaître
sur les enregistrements une forte analogie entre les essais en profondeur et
l’explosion du 21
septembre. Enfin, un expert en sismologie cité par le parquet, chef du
Laboratoire de
Détection et de Géophysique du CEA-DASE, a admis, en 2017 devant
la Cour d’Appel
de Paris, que la magnitude de 3,3 /3,4 ne pouvait être atteinte, pour une
explosion de
surface, qu’avec l’équivalent de plusieurs centaines de
tonnes de TNT
correspondant à des quantités de nitrate bien supérieures
au produit
stocké dans le bâtiment 221. La question est donc de
déterminer la cause de
cette probable explosion souterraine. Un champ d’investigation qui peut
paraitre essentiel
mais que l’expertise judiciaire n’a que sommairement
exploré.
La présence d’un produit dans les sols d’un site chimique
historique, la
nitrocellulose, stockée très longtemps jusque dans
l’environnement
même de l’usine, et avérée par une explosion, en
décembre 2011
survenue spontanément dans la société Saika Pack, à
proximité
d’AZF aurait également pu donner lieu à investigation.
Saisie, la justice a, de
façon péremptoire et a priori, écarté cette
piste alors que la
nitrocellulose est, pyrotechniquement, un explosif capable d’entrainer
l’explosion du
nitrate d’ammonium ce que le DCCNa n’est pas !
De la même manière, on a pu observer dans les jours qui ont suivi
le 21 septembre, dans
l’eau de la nappe phréatique qui avait envahi le fond du
cratère, des
dégagements gazeux et une élévation de température
qui pouvaient
résulter d’une décomposition de nitrocellulose qui aurait pu
être
détectée si, contrairement à d’autres
éléments, elle avait
été elle aussi recherchée.
Au-delà de ces hypothèses reposant sur des données
scientifiques et techniques
solides, d’autres pistes ont également été
négligées,
ignorées ou écartées. Ainsi, celle dite volontaire ou de la
malveillance qui a
donné lieu à de nombreuses polémiques dans les mois qui ont
suivi la
catastrophe a-t-elle été complètement
investiguée ? On peut en
douter aux dires de certains enquêteurs officiels qui en auraient
été
dissuadés, cela en dépit d’évènements et
d’individus
suspects que l’on trouve dans de nombreux témoignages et alorsque
la suite ait
révélé l’existence, dès cette époque,
des réseaux
islamistes structurés, dans la région. Une situation qui justifie
pleinement la
position du tribunal qui, lors du procès en correctionnelle, avait tenu
à souligner
qu’il s’agissait d’une hypothèse qui ne pouvait pas
être absolument
écartée.
Rappelons enfin celle basée également sur de nombreux
témoignages faisant
état de brouillards et d’odeurs sur le site qui pourraient
alimenter la piste de
l’UVCE,et l’explosion d’une nappe de gaz à l’air
libre. Elle ne peut
être exclue a priori, compte tenu de présence sur l’ensemble
du pôle
chimique de produits divers pouvant présenter un tel risque et
susceptibles de
générer des flashs tels que décrits dans de nombreux
témoignages, alors
qu’une explosion de nitrate d’ammonium ne produit pas de
lumière. Curieusement,
seule l’éventualité d’une UVCE de gaz naturel a
été
étudiée alors qu’aucune fuite n’avait
été
détectée sur ce réseau.
De la même manière, on peut regretter que des
évènements
électriques importants sur les réseaux EDF ou d’autres
usines du pôle
chimique, ceux perçus à l’usine d’incinération
du Mirail, au poste
électrique de Lafourguette et qui sont instructifs n’aient pas
été
étudiés et plus particulièrement datés correctement
alors que figurent
dans le dossier de nombreux témoignages techniquement
irréfutables. Il en est de
même du rayonnement électromagnétique non naturel
relevé dans un axe
cratère- poste EDF de Lafourguette ou d’une explication concernant
les personnes
éloignées du lieu de l’explosion et néanmoins
atteintes de
brûlures dûment constatées.
Les phénomènes électromagnétiques précurseurs
que l’on
retrouve de manière convergente dans de nombreux témoignages, de
même que la
« première explosion » entendue et
évoquée par plusieurs
milliers de toulousains nécessiteraient aussi, au-delà d’un
examen qui n’a
jamais été entrepris, d’être étudiés
pour être
expliqués.
EN CONCLUSION
Investis depuis 17 ans dans la recherche de la vérité, les anciens
salariés
d’AZF savent qu’elle est complexe et que l’instruction
judiciaire n’aurait
jamais dû écarter rapidement de nombreux témoignages
concordants pour
s’arc bouter sur une piste chimique scientifiquement inacceptable.
A l’énumération de toutes investigations insuffisamment
instruites ou non prises
en considération, de ces interrogations laissées sans
réponse, ces informations
écartées, seul un élargissement de l’enquête
devrait permettre
d’avancer sur le chemin qui conduit à la vérité.
Ainsi les carences
graves évoquées s’apparentent à autant
d’éléments
nouveaux justifiant un travail d’examens des faits, impartial et exhaustif
qui reste à
faire.
En conséquence, on pourrait ou devrait rechercher, en reprenant les
documents du dossier
relatifs aux études sismiques, les informations concernant une explosion
souterraine et
engager des fouilles dans le cratère de l’explosion qui est
toujours placé sous
scellés. On s’assurerait ainsi de la présence ou pas
d’un corps tels que
tout objet métallique, de météorite, de bombe
larguée sur le site lors
des bombardements de la dernière guerre ou de nitrocellulose.
Il est nécessaire aussi d’apporter des explications
complémentaires à la
datation sismique de même qu’à la source explosive
nécessaire provoquant
une magnitude de 3,3/3,4 sur l’échelle de Richter, non compatible
avec une explosion de
surface du tas de nitrate.
La présence d’aéronefs « sur zone »
signalée dans plusieurs
témoignages peut également être examinée de
même que leur
implication éventuelle.
Il apparait enfin utile de reconsidérer la piste de l’acte
volontaire insuffisamment
instruite.
On peut donc le constater, de nombreuses zones d’ombre subsistent pour
ceux qui sont
à la recherche de la vérité sur les origines
véritables de la
catastrophe de 2001. Reste la volonté nécessaire pour s’y
employer,
volonté qui à sans doute manqué à certains sans que
l’on puisse
jusqu’ici en donner les raisons. C’est celle qui anime
aujourd’hui encore
l’Association « Azf – Mémoire et
solidarité »pour
que la vérité soit enfin livrée à toutes les
victimes et que justice
soit rendue à tous les anciens salariés.
Toulouse, 25 janvier 2019
5, place Pierre Potier – 31100 TOULOUSE - ( 05 62 11 45
50
E-mail : azf-ms@wanadoo.fr – Site internet :
www.azf-memoireetsolidarite.com
Association régie par la loi du 1er Juillet 1901 – N°3 / 33777
http://www.azf-memoireetsolidarite.com